Le Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe a rendu un jugement le 21 février 2025, condamnant Wang Tao, directeur général de Ruashi Mining SAS, à 18 mois d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de 2 millions de francs congolais. Les chefs d’accusation retenus : bris de scellés et dénonciation calomnieuse. La société Ruashi Mining a également été reconnue solidairement responsable et devra verser, avec son dirigeant, 10 millions de dollars américains de dommages et intérêts à l’entrepreneur Pascal Beveraggi.
Un contentieux aux implications financières majeures
L’affaire trouve son origine dans la mise en œuvre d’une décision rendue par le Tribunal de commerce de Kinshasa, qui reconnaissait une dette de 7,5 millions USD contractée par Ruashi Mining envers NB Mining Africa SA et Octavia Limited, deux sociétés dirigées par Pascal Beveraggi.
Malgré la validation de plusieurs saisies, Wang Tao aurait tenté de faire obstacle à leur exécution en déposant des requêtes judiciaires contradictoires et en détournant une partie des sommes saisies : notamment 1 million de dollars auprès de la TMB et environ 460 000 dollars chez Ecobank.
Il est également reproché à Wang Tao d’avoir posé de nouveaux scellés sur des biens déjà saisis, et d’avoir présenté des documents falsifiés aux autorités judiciaires.
Une filiale stratégique d’un poids lourd chinois
Le verdict prend une dimension particulière lorsqu’on considère la structure de Ruashi Mining, qui exploite une importante mine de cuivre et de cobalt près de Lubumbashi. L’entreprise est détenue à 75 % par Metorex, société sud-africaine, et à 25 % par la société congolaise Gécamines.
Or, depuis 2012, Metorex est une filiale à 100 % du géant chinois Jinchuan, l’un des principaux producteurs mondiaux de nickel, cuivre et cobalt. Cette acquisition s’est faite via une OPA de plus de 1,3 milliard de dollars. Depuis 2013, Metorex est intégrée dans Jinchuan Group International Resources, la branche cotée du groupe à la Bourse de Hong Kong.
Autrement dit, Ruashi Mining constitue aujourd’hui un rouage clé dans la stratégie minière de Pékin sur le continent africain.
Un précédent judiciaire significatif
La condamnation d’un représentant local d’une entreprise sous contrôle chinois demeure exceptionnelle, dans un contexte où les différends entre groupes étrangers et autorités congolaises se règlent souvent à huis clos. Le fait que la justice ait tenu l’entreprise elle-même pour directement responsable, aux côtés de son directeur général, envoie un message fort sur la volonté des tribunaux congolais de faire respecter l’État de droit, y compris dans des affaires aux enjeux économiques majeurs.
Conséquences possibles et signaux envoyés
Ce jugement pourrait faire date, en ouvrant la porte à des réflexions plus larges sur la gouvernance des filiales minières étrangères opérant en Afrique centrale. Il illustre également la capacité de certains entrepreneurs à obtenir justice, même face à des conglomérats bénéficiant d’appuis solides. Étant donné l’envergure des activités de Jinchuan en Afrique via Metorex, cette affaire dépasse largement le cadre congolais et pourrait avoir des répercussions régionales.
Le jugement est consultable en cliquant sur ce lien.